Introduction: Du fantôme d'amour à l'amant(e) macabre. Dans les tiroirs secrets du reliquaire du XIXème siècle
2022; University of Nebraska Press; Volume: 47; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.1353/frf.2022.0015
ISSN1534-1836
AutoresCéline Brossillon, Nathalie Prince,
Tópico(s)Canadian Identity and History
ResumoIntroduction:Du fantôme d'amour à l'amant(e) macabre. Dans les tiroirs secrets du reliquaire du XIXème siècle Céline Brossillon (bio) and Nathalie Prince (bio) "L'Amour est plus fort que la Mort, a dit Salomon: oui, son mystérieux pouvoir est illimité" (Villiers de l'Isle-Adam, Œuvres complètes 553). Le comte d'Athol de Véra, veuf esseulé et éploré, n'accepte pas la perte de son amour et choisit de nier la mort. "C'était une négation de la Mort élevée, enfin, à une puissance inconnue!" (558). Amour fou? Crise passagère? Folie érotique et macabre? Le comte d'Athol rejoint non seulement "le Ténébreux, le Veuf, l'Inconsolé" de Nerval (El Desdichado 239), mais encore toute une cohorte de personnages "abandonné(s)" (Villiers 561) par leur amour, qu'il s'agisse d'Hugues Viane chez Rodenbach, des tristes héros de Théophile Gautier ou ceux d'Edgar Allan Poe. La liste est longue et interminable en ce XIXème siècle qui célèbre de toutes les manières le mariage d'Eros et de Thanatos dans ses déclinaisons les plus audacieuses et les plus terribles. "The death of a beautiful woman is, unquestionably, the most poetical topic in the world," déclare Edgar Allan Poe au cœur de ce siècle qui renouvelle l'obscur objet du désir (165).1 Majoritairement masculine, il est vrai, la voix autoriale embrasse aussi quelques femmes qui osent braver les tabous et adresser les désirs morbides de leurs personnages. Toutes ces amours et toutes ces morts saturent le discours littéraire, et fleurit comme sur les tombes encore fraîches tout un pan de l'imaginaire XIXème et avec lui le bric-à-brac des mythes revisités. Pygmalion, Méduse, Orphée, vampires désirables ou mortes amoureuses traversent le siècle et se déclinent au gré des (en)vies. Les amants de l'amère mort: fort comme l'amour Pour certains auteurs du XIXème siècle, le désir de prolonger l'amour au-delà de la mort a quelque chose de romantique, et des femmes en linceul immaculé [End Page 1] sortent des cimetières pour rejoindre leur amour perdu, ainsi qu'on peut en rencontrer en tournant les pages des textes fantastiques d'Hoffmann ou de Gautier. Pour d'autres, il s'agit plutôt d'un désir de mise à mort, car la fin du XIXème siècle pointe du doigt la femme comme une créature superficielle, dangereuse ou seulement stupide. La tuer, si possible bellement, relève des fantasmes décadents parmi les plus raffinés, et le fantôme d'amour évanescent cède la place à un cadavre putréfié—parfois paradoxalement davantage désirable—pour le plus grand plaisir des lecteurs voyeurs et dévoyés. D'un côté, une femme marmoréenne dont l'empreinte de sein dans la lave laisse imaginer le plus doux des corps-à-corps, dans Arria Marcella de Gautier (1852); de l'autre, le cadavre amoureux qui sort de son cercueil pour des étreintes inoubliables dans Le Rendez-vous de Maurice Renard (1909). En ce siècle où l'imagination ne connaît pas de limites, mille et une nuits du désir surgissent: l'amour pour des petits bouts de femmes (têtes coupées, chevelure nattée ou simple peau de femme comme un taxidermiste pourrait la tanner chez Richepin [Pft Pft!, 1889]), de curieux objets intimement fréquentables qui renouvellent l'énergie du désir. Le voyage dans ce XIXème siècle est un voyage dans les amours mortes, les délices antiquisantes, les au-delà du désir, et l'on ne sait pas, finalement, ce qui doit être le plus inquiétant: la morte amoureuse qui a descellé sa tombe pour rejoindre son amour ou l'amoureux des mortes qui dévoie la parole du Cantique des Cantiques? Les personnages rencontrés au fil des textes et qui font sous nos yeux l'expérience de l'amour après la mort sont-ils de sinistres nécrophiles? Des amoureux...
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