Œdipe n’est pas coupable par Pierre Bayard
2022; American Association of Teachers of French; Volume: 96; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2022.0225
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Historical and Scientific Studies
ResumoReviewed by: Œdipe n’est pas coupable par Pierre Bayard Khadija Khalifé Bayard, Pierre. Œdipe n’est pas coupable. Minuit, 2021. ISBN 978-2-7073-4710-7. Pp. 192. Au commencement était le mythe. Du moins c’est le cas pour Pierre Bayard qui ne pouvait contourner le plus célèbre crime de la tragédie antique pour continuer ses relectures des meurtres dans la littérature occidentale. Armé de ses enquêtes ingénieuses précédentes dans les œuvres de Shakespeare, Agatha Christie et Conan Doyle, Bayard revient au récit d’Œdipe de Sophocle pour revoir à fond le meurtre imputé au roi mythique de Thèbes. Déjà dans son Enquête sur Hamlet, Bayard mentionnait au passage son scepticisme vis-à-vis de la culpabilité d’Œdipe. Que ce dernier soit acquitté du parricide n’est pas un simple postulat. Il faudrait lire l’ouvrage de Bayard pour s’en convaincre, lire le drame originel et le meurtre de Chrysippe par Laïos, lire l’argumentation de l’auteur qui souligne les différentes invraisemblances et les interprétations partiales dans Œdipe roi. Il faudrait lire cette analyse habile pour identifier le ou les coupables, lire le piège dans lequel sont tombés les spectateurs et les lecteurs de la tragédie sophocléenne, et même le protagoniste éponyme qui admet hâtivement un meurtre qu’il n’a pas commis. D’après Bayard, la problématique réside donc aussi bien dans l’erreur judiciaire interne (au niveau des personnages) que dans la faille d’interprétation externe (au niveau de la lecture). Dans Œdipe n’est pas coupable, l’auteur fait montre de la même rigueur que dans ses autres ouvrages du cycle de “critique policière”. Mais alors que dans Qui a tué Roger Ackroyd?, L’affaire du chien des Baskerville et La vérité sur “Dix petits nègres”, Bayard donnait la parole à des personnages littéraires qui, au travers d’une mise en scène du soi-disant “vrai” crime et des moyens de leurre, offrent une lecture différente du même événement, dans ce traité-ci consacré à Œdipe, c’est Bayard en tant que critique, essayiste et enquêteur qui lit et interprète la même version originale, respectant le même matériau et les mêmes événements. Ce n’est donc pas “une autre histoire vécue par d’autres personnages”, mais la même histoire vécue par les mêmes personnages. La valeur de l’ouvrage dépasse la réponse à la simple recherche identitaire de l’assassin— qui a tué Laïos?—pour marquer éventuellement un tournant dans nos études relatives au “complexe d’Œdipe” qu’on utilise à tout-va pour élucider, faussement semble-t-il, notre développement psychologique. Cet essai à la fois provocateur et rationnel traitant du dossier œdipien, celles et ceux qui sont impliqués dans les lettres et les sciences humaines gagneraient à le lire. Au demeurant, vu l’envergure culturelle en jeu, les lecteurs et lectrices sont encouragés à relire, à la lumière de [End Page 187] la contre-enquête de Bayard, la tragédie sophocléenne d’Œdipe roi (dont une version intégrale gratuite est disponible en ligne). Relire attentivement les conversations entre Œdipe et les deux bergers d’une part, et entre Œdipe et Jocaste d’autre part dans la partie de l’ouvrage où Œdipe fait le point sur l’assassinat de Laïos—ces derniers passages constituant une des bases argumentatives fonda -mentales dans la démarche de Bayard. [End Page 188] Khadija Khalifé Independent Scholar Copyright © 2022 American Association of Teachers of French
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