L’ours et le philosophe by Frédéric Vitoux
2022; American Association of Teachers of French; Volume: 96; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2022.0229
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Historical and Scientific Studies
ResumoReviewed by: L’ours et le philosophe by Frédéric Vitoux Khadija Khalifé Vitoux, Frédéric. L’ours et le philosophe. Grasset, 2022. ISBN 978-2-246-82898-3. Pp. 384. Les spécialistes du siècle des Lumières ne seront pas indifférents à cet essai qui nous fait découvrir un trésor de portée philosophique pendant longtemps enfoui. Les deux groupes nominaux évoqués dans le titre se réfèrent à un sculpteur et un philosophe du dix-huitième siècle: l’ours, c’est Étienne Maurice Falconet, peu connu du large public malgré sa gigantesque réalisation du Pierre le Grand à Saint-Pétersbourg, tandis que le philosophe n’est autre que Denis Diderot, figure ancrée dans la mémoire publique. L’ouvrage, qui reprend la correspondance entre le philosophe et le sculpteur depuis la fin de l’année 1765 jusqu’au printemps de 1767, étale leur controverse sur la postérité. Falconet remet en question l’immortalisation par la postérité et, au premier chef, la justesse ou la justice de ses jugements: et si la postérité se méprenait? Question qu’écarte Diderot qui fait confiance aux jugements des générations futures. Vitoux explique les deux visions divergentes par deux tempéraments antagoniques: le bienveillant et exubérant Diderot s’oppose au misanthrope Falconet (ou le complète), et c’est Diderot, en fait, qui s’adresse à Falconet par “mon compère l’ours” (87) à cause de son caractère “[r]enfrogné, cassant, hautain, exigeant, voire méprisant à l’occasion” (137). L’auteur se sent proche des deux hommes parce que—hasard ou destin— il vit sur l’île Saint-Louis, là où ils ont séjourné à des périodes différentes deux siècles plus tôt. L’amitié entre Falconet et Diderot commence à dégénérer en raison de cette même correspondance privée que Falconet divulgue à l’impératrice Catherine II de Russie, et qu’il compte même soumettre à un éditeur—ce qu’il ne fera finalement pas. L’auteur démontre la position ambiguë de Falconet qui, plus tard dans la vie, semble se complaire dans la perspective de la postérité. Il n’en reste pas moins que l’avenir ne semblerait pas avoir été très tendre avec Falconet puisque la Révolution détruira, entre autres, ses sculptures de l’église Saint-Roch et aux Invalides, tandis que les écrits de l’Encyclopédiste résisteront au passage du temps. Toutefois, Falconet sera réanimé au vingtième siècle grâce à Yves Benot, qui a retrouvé et ordonné la Correspondance et l’a fait publier en 1958 (dans une édition aujourd’hui épuisée). Falconet reste donc peu publié et peu étudié, ce qui explique que dans la bibliographie insérée en fin de L’ours et le philosophe, les réflexions écrites de Falconet sur les beaux-arts qu’a consultées Vitoux font partie des éditions qui remontent au dix-huitième siècle! Espérons que l’essai de Vitoux contribuera à sauver Falconet de l’amnésie universitaire et populaire. L’ouvrage est d’autant plus attrayant que l’auteur ne se contente pas d’examiner la correspondance entre Diderot et Falconet, ni d’analyser leurs œuvres respectives ou de rapporter les réflexions de l’un sur l’art de l’autre—et cela n’est pas peu de choses—mais, écrit dans un style élégant digne des Lumières, l’essai est pétri d’humanisme et du souci de comprendre, d’où les multiples petites anecdotes puisées dans la vie réelle qui rajoutent au délice de la lecture. [End Page 277] Khadija Khalifé Independent Scholar (CA) Copyright © 2022 American Association of Teachers of French
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