Artigo Revisado por pares

Les culs-reptils par Mahamat-Saleh Haroun

2023; American Association of Teachers of French; Volume: 96; Issue: 3 Linguagem: Francês

10.1353/tfr.2023.0051

ISSN

2329-7131

Autores

Jean-François Duclos,

Tópico(s)

African Studies and Ethnography

Resumo

Reviewed by: Les culs-reptils par Mahamat-Saleh Haroun Jean-François Duclos Haroun, Mahamat-Saleh. Les culs-reptils. Gallimard, 2022. ISBN 978-2-07-296985-0. Pp. 227. Au pays de Bourma Kabo, il fut un temps où on avait du pétrole. Mais la manne s'est tarie et le pouvoir n'a aucune intention de se réformer. "Je vous demande de vous débrouiller", lance le Premier ministre au peuple, comme si ce dernier avait jusque-là profité d'une quelconque redistribution (12). Sans or noir, entre deux manifestations réprimées dans le sang, la présidence lance quelques idées en vue de distraire les masses et d'attirer l'aide internationale, une pratique devenue un véritable viatique (225). Pourquoi ne pas envoyer quelques jeunes gens concourir aux prochains jeux Olympiques à Sydney dans une discipline peu convoitée par les Africains? Puisque le sport n'intéresse personne dans ce pays sahélien (52)—même le football—ce sera la natation. Bourma, chômeur en indélicatesse avec sa famille et les autorités locales, se porte volontaire. Comme il est le seul candidat, le voilà illico muni d'une carte d'adhérent à la fédération nationale tout juste formée pour l'occasion. Il sait à peine flotter et a quatre mois pour devenir un champion du cent mètres nage libre en s'entraînant seul dans la piscine de douze mètres d'un hôtel de la capitale. Au pays de la "canaillocratie régnante" (20), mieux vaut ne compter que sur soi-même. Bourma s'attire pourtant les généreux services de Garba, un pêcheur dilké, "fils éternel de la mer" (86), et tombe bientôt amoureux de sa fille. Personne ne s'imagine Bourma sur le podium, mais à quel prix faut-il offrir son ridicule et ses mensonges pour espérer, en retour, un peu d'amour? Par cynisme inversé, la gloire de participer n'arrive qu'aux athlètes particulièrement mauvais venant de pays particulièrement pauvres. Le résultat, faut-il le préciser, est au rendez-vous. Si cette histoire semble connue, c'est d'abord qu'elle s'inspire d'un fait réel, arrivé à un certain Éric Boussambani en 2000, dont la renommée planétaire fut aussi foudroyante qu'éphémère. C'est aussi parce qu'elle a déjà donné lieu à au moins une comédie pour le cinéma, où, pour arriver aux mêmes effets, le ski de fond remplace la nage. De fait, Mahamat-Saleh Haroun ne se prive pas de transformer ce récit picaresque en une joyeuse aventure, quitte à en rajouter dans le registre de la gaffe et de l'érotisme. Mais si le bandeau du livre arbore les mots "soumission et défi", c'est aussi parce qu'il s'insère dans le sillage d'une veine tragi-comique tracée par Amadou Kourouma. Le verbe est haut, et le lecteur sympathise vite avec celui qui trouve dans L'homme révolté un remède à sa dépression. Les pages les plus féroces sont réservées à l'incurie du pouvoir dans un pays où règnent, par principe, "la faillite générale" (224), et les plus tendres à ces "culs-reptiles", jeunes hommes diplômés qui, faute d'appartenir à la bonne ethnie, passent leurs journées à ne plus rien attendre de qui que ce soit, tels des fainéants de la vallée fertile. Ce sont les vrais champions de cette fable, les seuls qui, mêlant énergie et désinvolture, font voler en éclat toute velléité de mensonge et de dissimulation. [End Page 233] Jean-François Duclos Metropolitan State University of Denver (CO) Copyright © 2023 American Association of Teachers of French

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