Mallarmé, Boulez
2023; Éditions du Seuil; Volume: N° 193; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.3917/poeti.193.0119
ISSN1968-3871
Autores Tópico(s)French Literature and Criticism
ResumoMallarmé, Boulez : Structure, hasard, événementDu texte de jeunesse intitulé « Hérésies artistiques : l'art pour tous » (1862) à l'« Observation relative au poème Un Coup de Dés jamais n'abolira le Hasard » dans la revue Cosmopolis (1897) 1 , Mallarmé n'a cessé de penser le poème par rapport à la musique, allant jusqu'à concevoir la Poésie comme la « Musique par excellence 2 », seule capable, en annulant le monde, de restituer pour l'esprit « la musicalité de tout 3 ».Comparée à l'oeuvre de Verlaine, l'oeuvre de Mallarmé n'a pourtant que peu tenté les musiciens de la période symboliste.La raison en est qu'elle ne leur offre pas des motifs qui seraient immédiatement « musicaux », comme il y a en peinture des motifs intrinsèquement « pittoresques ».La musique chez Mallarmé renvoie, non pas à une thématique préalablement définie, mais à une structure formelle, si bien que, plutôt que d'inspirer directement les musiciens, Mallarmé les invite à mieux prendre conscience de leur propre langage, afin qu'ils le renouvèlent aussi profondément qu'il a lui-même renouvelé le langage de la poésie.Cette transformation du langage musical se dessine dès le Prélude à l'Après-midi d'un faune de Debussy (1894), où Pierre Boulez voit la naissance de la musique moderne 4 ; et, elle se continue, bien au-delà de l'époque symboliste, avec notamment les deux cycles, l'un de Debussy et l'autre de Ravel, titrés tous deux Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé en 1913 5 .Mais à ce moment-là (alors que l'édition posthume du Coup de dés est de 1917), la mesure de la révolution mallarméenne n'est pas encore prise, si bien que, par rapport à l'élan de la poésie à la fin du XIX e siècle, la musique semble, rétrospectivement, « avoir pris du retard », écrit Boulez 6 .En tenant compte de ces rapports croisés entre les historicités de chacun des deux arts, on pourrait dire que Boulez entreprend de relever le « défi » que Mallarmé a lancé aux musiciens, comme Mallarmé avait lui-même tenté de relever le « défi 7 » que Richard Wagner, un siècle plus tôt, avait lancé aux poètes.Mallarmé en appelait à la musique pour changer la poésie ; Pierre Boulez entreprend maintenant de faire en sorte que la musique contemporaine reprenne à la poésie mallarméenne son bien.Deux pièces, plus précisément, sont au coeur de ce projet « mallarméen » de Boulez : la Troisième Sonate et Pli selon pli.1 Sur l'amplitude des références à la musique dans le corpus mallarméen, voir Pascal Durand, « Pli selon pli : les modèles musicaux de Mallarmé », dans Philippe Albéra, Pli selon pli de Pierre Boulez : entretiens et études, Genève, Éditions Contrechamps, 2003, p. 83-100.Rappelons le début de l'article « Hérésies artistiques.L'Art pour tous », L'Artiste, 15 septembre 1862, OC II, p. 360 : « Ouvrons à la légère Mozart, Beethoven ou Wagner, jetons sur la première page de leur oeuvre un oeil indifférent, nous sommes pris d'un religieux étonnement à la vue de ces processions macabres de signes sévères, chastes, inconnus.Et nous refermons le missel vierge d'aucune pensée profanatrice.» 2 Mallarmé, « Le Livre, instrument spirituel », Quant au livre, Divagations, OC II, p. 226 : « La Poésie, proche l'idée, est Musique, par excellence -ne consent pas d'infériorité.» 3 La Musique et les Lettres, OC II, p. 65 : « la dispersion volatile soit l'esprit, qui n'a que faire de rien outre la musicalité de tout ».
Referência(s)