Drogues info Service, vitrine sur les préoccupations des victimes d’agressions facilitées par les substances psychoactives (SPA)
2023; Elsevier BV; Volume: 35; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1016/j.toxac.2023.08.061
ISSN2352-0086
AutoresJorge Heredia, Lauriane Charuel, Laure Laviale, Stéphanie Pain, Elizabeth Alcaraz, Anne Batisse, Leïla Chaouachi,
Tópico(s)HIV, Drug Use, Sexual Risk
ResumoLes agressions facilitées par les substances (AFS) regroupent les cas de soumission chimique (SC) et de vulnérabilité chimique (VC). La SC est l'administration d'une SPA à l'insu de la victime ou sous la menace à des fins criminelles ou délictuelles. Elle se distingue de la VC qui désigne un état de fragilité induit par des consommations volontaires rendant les victimes plus vulnérables à une agression. Depuis 2003, l'usage criminel des substances fait l'objet d'une surveillance prospective par le CEIP-A de Paris notamment à travers les réquisitions judiciaires. Suite aux bouleversements sociétaux (#MetooGHB, #balancetonbar et needle spiking) la SC sous les projecteurs, prend une nouvelle dimension. Le CEIP-A de Paris a pour objectif via l'analyse des appels du dispositif Drogues Info Service (DIS) d'identifier à travers une analyse descriptive les problématiques des victimes ne portant pas plainte et ainsi de porter leur voix. Une étude rétrospective sur les données d'appel DIS a été réalisée sur l'année 2021 à travers une analyse à la fois quantitative et qualitative. Au total, 225 appels suspectant une AFS ont été retenus. La majorité des appels proviennent d'Île-de-France (n = 70 ; 31,1 %) notamment de Paris (n = 53). L'appelant est principalement la victime elle-même (n = 160 ; 71,1 %). Dans un 1 cas sur 2, l'appel a lieu dans les 7 jours suivants les faits (n = 116 ; 51,6 %). Dans 1 cas sur 4, 24 h seulement se sont écoulées depuis les faits (n = 52 ; 23,1 %). Les victimes sont des femmes (n = 159 ; 71,1 %) avec une moyenne d'âge de 28,3 ± 10,6 ans. Les appels concernent essentiellement des suspicions de SC (n = 62 ; 27,6 %), survenues majoritairement la nuit (n = 150 ; 66,7 %) dans un contexte festif (n = 108 ; 75,5 %). Ces appels ont pour principal objectif de « lever le doute ». Les victimes expriment un besoin d'écoute, de conseils et d'orientation. Elles s'interrogent notamment sur le GHB (mentionné lors d'1 appel sur 3) avec 68 mentions et sur l'analyse capillaire. Les victimes sont principalement en demande de preuves privées et seulement 14 souhaitent porter plainte. Le focus DIS confirme les résultats de l'enquête nationale SC notamment pour le profil des victimes (sexe, tranche d'âge), la répartition géographique ainsi que le contexte des AFS. Les crimes ou les délits subis sont peu renseignés. Ceci est à mettre en perspective avec les préoccupations centrées essentiellement sur les agents de SC et le dépistage: le GHB étant toujours considéré comme l'unique agent de SC. Cette croyance entretient l'idée qu'il serait toujours trop tard pour révéler la preuve alors même qu'une victime sur 4 appelle dans les 24 h. Cet élément constitue de facto un obstacle supplémentaire au dépôt de plainte. Les verbatim montrent également les difficultés à faire face au blackout (ruminations anxieuses), le sentiment d'« illégitimité » à parler d'agression sexuelle avec une auto-culpabilisation (consommations volontaires et amnésie des faits). Les données DIS ont permis de mesurer l'étendue des idées reçues véhiculées dans les médias et les réseaux sociaux. Des campagnes de formation des professionnels et de sensibilisation du grand public, à large échelle, sur les AFS semblent indispensables. Une plateforme nationale sur la soumission chimique est en cours de développement par le CEIP-A de Paris.
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