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Christiane Singer: une vie sur le fil de la merveille par Audrey Fella (review)

2023; American Association of Teachers of French; Volume: 97; Issue: 2 Linguagem: Francês

10.1353/tfr.2023.a914259

2329-7131

Michel Gueldry,

Diverse Cultural and Historical Studies

Reviewed by: Christiane Singer: une vie sur le fil de la merveille par Audrey Fella Michel Gueldry Fella, Audrey. Christiane Singer: une vie sur le fil de la merveille. Albin Michel, 2022. ISBN 978-2-226-44215-4. Pp. 251. Audrey Fella, essayiste, journaliste et auteure de sept livres sur diverses femmes mystiques, livre une biographie (la toute première) littéraire, admirative, et parfois hagiographique, de Christiane Singer (1943–2007), consacrée essentiellement à ses ouvrages et son expérience interne, avec vie et famille servant de toile de fond. Née à Marseille d'une famille juive hongroise-viennoise et morave refugiée, elle fit un doctorat littéraire puis par un singulier retour, suivit son époux autrichien vers Rastenberg et son rugueux château ancestral, "dans la tête de la bête" germanique (119). Ses premiers ouvrages, dès 21 ans, sont un essai autobiographique et un roman de formation et de quête, deux genres qu'elle cultivera durant quarante années saluées de nombreux prix littéraires. "[S]on œuvre littéraire est imprégnée de spiritualité" et "la frontière entre ses romans et ses essais est très fine" (12). Elle cultive une tradition chrétienne mystique (maître Eckhart, Angelus Silesius) et emprunte à maintes traditions, notamment extrêmeorientales et juives. La langue française y est "le fil magique qu'il suffit de tirer pour faire surgir l'entière création" (21–22), sa "patrie" en terre germanophone (59), et l'écriture "la voie royale d'une existence plus intense" (30) car elle trempe sa plume dans "'le silence dense et lumineux' de son être" (132). Sa discipline de vie sert cette haute mission d'écrire: " [J']essuie les vitres ternies, je nettoie tous les serpentins et l'alambic encrassés en moi" (166). Ainsi, l'écriture elle-même sert le destin vital: "[N]ous passons de l'ordre du visible à l'ordre de l'invisible. La fleur doit mourir pour donner son fruit: ce qui était épanoui dans l'ordre biologique du visible va lentement flétrir. L'ordre dès lors s'inverse. Ce sont les jardins intérieurs qui commencent de bourgeonner" (203). Après une préparation littéraire rationaliste qui la "dessèche" (29), après "cette saison au théâtre" (192), à l'aube de la quarantaine, elle retrouve l'inspiration magique et spirituelle de son enfance "de plus en plus transparente à la présence simple" où elle se désidentifie progressivement de ses rôles sociaux et biologiques (98). Elle entre dans la mouvance de Karlfried Graf Dürckheim, pratique yoga et "constellations familiales" (170, exploration des dynamiques familiales pour libérer l'individu), puis les enseigne; elle transforme Rastenberg en centre de rencontres culturelles, musicales et surtout spirituelles, séminaires fréquentés par artistes, psychologues et sages. Ses conférences l'emmènent à travers l'Europe. Ce passage de la vita activa à la vita contemplativa (106) épura son style, "cet axe plus invisible qu'une flèche de cristal dans une eau claire" (180), et sa vision des choses "qui apparaissent dans leur évidence impérieuse, leur vide lumineux" où "tout est cadeau, […] tout est terreau" (111). Fella discute longuement la féminité "terre d'accueil" (184) de Singer, son féminisme et ses vues spécifiquement féminines sur l'amour et la spiritualité, mais sans la rapprocher d'autres auteur·e·s comparables, ce qui [End Page 124] restreint la portée de cette biographie. Les éclairs demeurent: "La vie n'a pas de sens [car] elle va dans tous les sens et déborde de sens, inonde tout […] Si elle n'a pas de sens, c'est qu'elle est le sens" (148). [End Page 125] Michel Gueldry Missouri University of Science and Technology Copyright © 2023 American Association of Teachers of French