La littérature est une affaire politique: enquête autour de 26 écrivains français par Alexandre Gefen (review)
2023; American Association of Teachers of French; Volume: 97; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2023.a914260
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)French Urban and Social Studies
ResumoReviewed by: La littérature est une affaire politique: enquête autour de 26 écrivains français par Alexandre Gefen Frédérique Chevillot Gefen, Alexandre. La littérature est une affaire politique: enquête autour de 26 écrivains français. L'Observatoire / Humensis, 2022. ISBN: 979-10-329-2279-8. Pp. 371. Vingt-six entretiens d'auteur·e·s français·es contemporain·e·s répondant à une quinzaine de questions sur le thème annoncé par le titre constituent l'enquête menée par Alexandre Gefen. La notion de "littérature engagée" se vivrait-elle aujourd'hui dans la nostalgie? L'écriture littéraire contribuerait-elle à la démocratie? La littérature se fait-elle l'écho ou le contre-écho de la politique? Autant de questions et de réponses multipliées par treize romancières comme autant de romanciers—parité absolue qui invite à une diligente découverte! Il faudrait avoir déjà tout lu pour apprécier la profondeur et l'élégance des propos partagés. Si je connaissais la production d'une bonne douzaine des personnalités littéraires sollicitées, j'étais loin de soupçonner l'existence des textes de Laurent Binet, Camille de Toledo, Alice Zeniter, Mathieu Larnaudie, Nicolas Mathieu, Laurent Gaudé, Aurélien Bellanger, Emmanuelle Pireyre, Philippe Forest, Mathias Énard, Marie Cosnay ou Arno Bertina. Les réponses à l'enquête s'organisent autour de six sections: "Penser l'histoire"; "Réfléchir le social"; "Mettre en scène la politique"; "Transformer le langage"; "Contribuer à la démocratie"; "Émanciper". Toutes s'entrecroisent et se complètent et c'est un grand plaisir de lecture. Gefen offre une courte introduction à chacune des sections, de même qu'il présente brièvement les auteur·e·s avant de leur céder la parole. Quoique répétitive dans son "principe adopté […] de l'enquête littéraire […] qui consiste à poser une série de questions identiques à une pluralité d'écrivains" (21), l'ouvrage génère, outre de très beaux entretiens, de merveilleuses phrases d'auteur·e·s. Mathias Énard: "Qu'est-ce que cela voudrait dire une littérature ou un roman qui ne serait absolument pas politique?" (280). Stéphanie Dupays: "La littérature redonne du poids et du contenu à la langue que l'usage politique, commercial ou communicationnel a vidé de sa substance" (291). N'en déplaise à Alice Ferney—on l'aura remarqué—, je suis en faveur de l'écriture inclusive et je salue ses nombreuses manifestations dans l'ouvrage. Si ce n'est pas sous la plume de Patrick Chamoiseau: "Un grand artiste, une grande artiste, manie aussi bien le pôle féminin que le pôle masculin, il les éprouve comme des inextricables" (227), c'est sous celle de Marie Darrieussecq: "J'ai besoin du roman, pour inviter les lecteurs, les lectrices à réfléchir. C'est très modeste et très ambitieux" (334). Et il y en a d'autres qui sincèrement s'appliquent à l'action politique de l'inscription du féminin dans la langue. Mais la pratique hégémonique de "la domination blanche, masculine, hétérosexuelle" (Lucbert 354) continue de s'imposer malgré d'héroïques percées. Ainsi, lisons-nous en conclusion du volume: "La dette de l'humanité à l'égard des écrivaines et écrivains [inclusif] ayant combattu pour la liberté politique, pour la tolérance, pour le progrès social, le droit des femmes, [End Page 126] contre le colonialisme, est considérable, qu'ils [non inclusif] aient été des intellectuels [non inclusif] de combat ou qu'ils [non inclusif] aient simplement réussi à modifier le rapport au monde de leurs lecteurs [non inclusif]" (370). Je pose alors la question: si la "dette de l'humanité" à l'égard de la littérature est si "considérable", pourquoi l'écriture littéraire résiste-t-elle encore à donner présence systématique dans sa graphie aux lectrices et auteures? [End Page 127] Frédérique Chevillot University of Denver (CO) Copyright © 2023 American Association of Teachers of French
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