Artigo Revisado por pares

Voyage à Berlin: Danielle Darrieux sous l'Occupation par Jérôme Bimbenet (review)

2024; American Association of Teachers of French; Volume: 97; Issue: 3 Linguagem: Francês

10.1353/tfr.2024.a919948

ISSN

2329-7131

Autores

Edward Ousselin,

Tópico(s)

French Literature and Critical Theory

Resumo

Reviewed by: Voyage à Berlin: Danielle Darrieux sous l'Occupation par Jérôme Bimbenet Edward Ousselin Bimbenet, Jérôme. Voyage à Berlin: Danielle Darrieux sous l'Occupation. Tallandier, 2023. ISBN 979-10-210-5688-6. Pp. 302. Bien avant Brigitte Bardot, Danielle Darrieux a imposé à l'imaginaire cinématographique ses initiales: DD. Ainsi s'affirmait son statut d'actrice la plus célèbre du cinéma français de son époque, au sein de l'Hexagone comme à l'étranger. Décédée en 2017 à l'âge de cent ans, Darrieux avait joué dans plus d'une centaine de films au cours d'une carrière extraordinairement longue, de 1931 à 2010. Sa place exceptionnelle dans l'histoire du cinéma français est donc largement assurée. Néanmoins, le livre de Jérôme Bimbenet revient sur un épisode que Darrieux aurait bien voulu pouvoir oublier: son voyage en Allemagne, en compagnie d'autres vedettes françaises (Junie Astor, René Dary, Suzy Delair, Albert Préjean et Viviane Romance), en mars 1942. Organisé par le service cinématographique de la Propagandastaffel, avec l'assentiment d'Alfred Greven, qui dirigeait Continental Films, la société de production cinématographique allemande installée à Paris depuis 1940, ce voyage aux allures culturelles mais à forte teneur politique a rapidement été surnommé "le train de la honte." En 1971, des images des acteurs souriants lors du départ du train seront incluses dans le documentaire mémorable sur la France occupée, Le chagrin et la pitié de Marcel Ophüls. Cependant, comme l'explique soigneusement Bimbenet, Darrieux a passé quelques jours en Allemagne non pas par affinités idéologiques avec le régime nazi, mais parce qu'elle y fut contrainte. En effet, son amoureux et futur mari, le playboy-diplomate dominicain Porfirio Rubirosa, était détenu par les Allemands. Très suivie par la presse, la participation de Darrieux à la visite d'acteurs français en Allemagne était la condition pour qu'elle puisse voir Rubirosa et qu'il soit libéré par la suite. Son mariage aura d'ailleurs lieu à Vichy (où Rubirosa faisait parfois semblant de travailler) en septembre 1942, quelques semaines avant l'occupation de la zone "libre" par la Wehrmacht. Le fait que l'actrice ne se soit pas prêtée de gaieté de cœur à l'entreprise de propagande organisée par l'occupant allemand était déjà connu. Ce qui fait l'intérêt de ce livre, c'est la description détaillée de la vie mondaine à Paris pendant l'Occupation, en particulier dans le milieu du cinéma (le cas de Rubirosa, officiellement diplomate mais en réalité noceur professionnel, était lié à celui de Darrieux). Si l'on peut comprendre que Darrieux ait été obligée de participer à une "visite culturelle" en Allemagne en 1942, on ne peut qu'être consterné par son niveau d'insouciance (et celui de nombre de ses amis) durant la plus grande partie de l'Occupation: "Elle ne faisait pas attention aux uniformes allemands qui paradaient dans Paris et dînaient dans [End Page 163] les endroits à la mode et Vichy ne représente rien. Décidément, la réalité lui échappe! Ou elle persiste à ne pas vouloir la voir" (201). Les commentaires explicatifs ou réprobateurs de l'auteur à ce sujet sont nuancés, n'aboutissant toutefois qu'à un constat lapidaire, voire tautologique: "Star depuis l'âge de quatorze ans, elle avait toujours vécu hors des réalités" (254). Ce livre fort bien documenté est à recommander auprès des lecteurs qui s'intéressent à l'histoire du cinéma français sous l'Occupation. [End Page 164] Edward Ousselin Western Washington University Copyright © 2024 American Association of Teachers of French

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