Le lycéen réal. par Christophe Honoré (review)
2024; American Association of Teachers of French; Volume: 97; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2024.a919978
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Education, sociology, and vocational training
ResumoReviewed by: Le lycéen réal. par Christophe Honoré Florence Martin Honoré, Christophe, réal. Le lycéen. Int. Paul Kircher, Vincent Lacoste, Juliette Binoche. Memento, 2022. Le titre de ce film d'inspiration autobiographique dédié au père du réalisateur est trompeur. En effet, nul anonymat dans le récit de Lucas Ronis, dont le père (Christophe Honoré) meurt dans les premières minutes du film sur une route de campagne dans la région de Chambéry. Une fois le père (du film et du héros) horschamp, le protagoniste de dix-sept ans prend toute la place, en gros plan, comme il se doit dans les films d'Honoré, et tente de redéfinir son rapport au monde, aux gens de sa famille, à lui-même. Lucas est gay, a un copain, Oscar, au pensionnat et ne sait pas comment penser la mort de son père. Ce dernier et lui ont failli avoir une collision avec un camion quelques jours avant l'accident fatal, incident que Lucas interprète comme signe précurseur et point de départ de la culpabilité du survivant. Il refuse d'aller à l'enterrement, s'isole, et sa mère l'envoie passer une semaine chez son frère à Paris avec Lilio (Erwan Kepoa Falé). Son sentiment de culpabilité et sa prise de conscience brutale de la fragilité de la vie (qui rappelle celle du héros de Plaire, aimer, courir vite) le libèrent (pourquoi aller au lycée?) et le condamnent (comment vivre vite?). Il tente de se prostituer, voit un prêtre, va au musée. Son désespoir atteint son paroxysme à son retour, face à sa mère, et le mène à un mutisme conscient qui durera le temps d'un internement à l'hôpital de Chambéry: "Je me sens inexcusable. J'entre dans le silence" se et nous déclaret-il, car Lucas nous signale en voix off les étapes de son cheminement. Dans ce film d'auteur, Honoré, par ailleurs écrivain et metteur en scène de théâtre et d'opéras, représente les retentissements du deuil qui bouleverse la vie de la mère, Isabelle (Juliette Binoche), du frère aîné artiste à Paris, Quentin (Vincent Lacoste, acteur fétiche d'Honoré) et de Lucas, en désynchronisant le son et l'image. C'est la seconde fois qu'Honoré joue avec les manipulations possibles de la bandesonore et de la bande visuelle: déjà dans Plaire, aimer, courir vite (2018), le dialogue d'une scène se poursuivait en voix off dans la scène suivante, dans un fondu-enchaîné sonore qui assemblait des espaces et récits disparates. Dans Le lycéen, la désynchronisation cause un effet de suspens de sens qui donne aux spectateurs un rôle actif: on est témoin d'une scène avant que son dialogue (magnifiquement écrit) ne soit révélé dans la scène suivante en voix off. L'effet syncopé qui en résulte est au diapason des affres de l'adolescence, de la brutalité du deuil soudain, et surtout d'une écriture cinématographique innovatrice. Honoré exigera du spectateur une patience de 122 minutes pour que Lucas (après la fin du générique sur fond noir—là encore, la patience récompense!) s'empare de sa propre identité et clame "Oui, c'est moi!" [End Page 170] Florence Martin Goucher College (MD) Copyright © 2024 American Association of Teachers of French
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