Le bureau d'éclaircissement des destins par Gaëlle Nohant (review)
2024; American Association of Teachers of French; Volume: 97; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2024.a919999
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)French Historical and Cultural Studies
ResumoReviewed by: Le bureau d'éclaircissement des destins par Gaëlle Nohant Khadija Khalifé Nohant, Gaëlle. Le bureau d'éclaircissement des destins. Grasset, 2023. ISBN 978-2-246-82886-0. Pp. 411. Il existe en Allemagne, dans la ville de Bad Arolsen au nord de Francfort, une collection monumentale d'archives documentant les persécutions du IIIe Reich. Connu aussi sous le nom de International Tracing Service (ITS), ce bureau central d'archives et de recherches contient près de 30 millions de documents, en plus de quelques milliers d'objets personnels qui étaient surtout confisqués aux prisonniers à leur arrivée dans les camps de concentration. C'est le lieu où travaille Irène, archiviste et enquêtrice dans le roman de Gaëlle Nohant, Le bureau d'éclaircissement des destins (grand Prix RTL, 2023). Au contexte historique de l'Holocauste s'allie le contexte actuel, vu que l'auteure entrelace brillamment les atrocités du nazisme aux sujets brûlants de notre époque, tels que le terrorisme, la crise de migration et les droits des femmes. La tâche d'Irène et de son équipe consiste, dans un premier temps, à identifier les déportés qui possédaient les objets retrouvés et, dans un deuxième temps, à retrouver les membres de la famille des disparus. Dans une étape ultime, on doit restituer aux descendants des victimes ces effets personnels à valeur sentimentale. Irène mène simultanément plusieurs enquêtes, remonte le temps, fait le traçage à rebours des objets récupérés, ouvre des pistes et croise la vie d'une vingtaine de personnages, dont une certaine déportée polonaise non juive, Wita, qui se trouve l'intéressée dans trois affaires principales: elle est la mère du petit Karol, enlevé et adopté par un couple allemand dans le cadre du programme de germanisation, elle est la propriétaire originelle d'un pendentif en bronze et, aussi, la propriétaire d'un mouchoir brodé reçu en cadeau par d'autres déportées. La quête d'éclaircissement des destins des déportés se fait en parallèle avec l'élucidation du quotidien de l'enquêtrice et de son entourage. Avec chaque histoire et chaque découverte, Irène est emportée dans une temporalité bouleversante. Des histoires d'amour, d'héroïsme et de courage se tissent, et des rencontres ultérieures ont lieu. Même si les personnages sont fictifs, leur vie ressemblerait à celle qu'auraient vécue des déportés réels. Irène est un bel exemple de responsabilité à l'échelle humaine. Elle combat le mal et l'injustice en se dévouant à ressusciter celles et ceux dont la guerre a gommé les traces. La spoliation initiale des déportés et leur absence s'inversent, des décennies plus tard, en leur présence symbolique et la résurgence de leur mémoire. C'est le sens de ce roman dont l'épigramme insiste pour garder "vivace la mémoire des disparus" (cité en exergue de l'ouvrage). Grâce à l'acte d'écriture, aurait-on envie d'enchérir. Avec un style assez conventionnel, et une intrigue bien ficelée nouant plusieurs destins à éclaircir, cet ouvrage, louant l'amour et la raison, ne manquerait pas de plaire aux lecteurs exigeants sur le fond et la forme. [End Page 143] Khadija Khalifé Independent Scholar Copyright © 2024 American Association of Teachers of French
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