Quelques mois dans ma vie: Octobre 2022–Mars 2023 par Michel Houellebecq (review)
2024; American Association of Teachers of French; Volume: 97; Issue: 4 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2024.a928687
ISSN2329-7131
Tópico(s)Cultural Insights and Digital Impacts
ResumoReviewed by: Quelques mois dans ma vie: Octobre 2022–Mars 2023 par Michel Houellebecq Louis Bousquet Houellebecq, Michel. Quelques mois dans ma vie: Octobre 2022–Mars 2023. Flammarion, 2023. ISBN 978-2080435804. Pp. 112. L'époque moderne, pleine de ses réseaux sociaux et autres lumières digitales, nous renvoie le miroir implacable et indélébile de nos pensées et de nos reflets pétrifiés. Nos idées à peine ébauchées se cristallisent avant d'avoir eu le temps de s'épanouir, nos corps exposés maladroitement se voient abandonnés aux lazzis et aux jugements impitoyables des rustres. Nos turpitudes et nos abandons les plus intimes s'étalent pour l'éternité sur la toile mystérieuse et vengeresse d'internet. Dans un petit texte rempli de passions tristes, Michel Houellebecq ratiocine sur les regrets et la honte que lui inspire son premier film pornographique. Comme une lettre écarlate à jamais gravée sur sa statue d'écrivain populaire, le grand petit homme se trouve accablé par la révélation cruelle de cette situation absurde aux accents sartriens. L'exhibitionniste néophyte nous assure qu'il ne faut se fier ni aux apparences ni aux rumeurs: ceci n'est pas un porno, il n'y a d'ailleurs jamais véritablement eu de film, seulement quelques étreintes volées par une ménagerie de personnages interlopes aussi voraces que malveillants. Dans une prose acrimonieuse et anthropomorphe, son témoignage met en scène une véritable basse-cour d'êtres peu recommandables, on y trouve pêle-mêle "un cafard," "une truie," et "une vipère." Ces individus foncièrement vénaux se piquent de monnayer son intimité par tous les moyens, suivant le principe moderne de la marchandisation de toutes choses: "Ma notoriété d'auteur pouvait conférer à mes organes une certaine valeur marchande" (27). Houellebecq profite de ce malheureux épisode pour se justifier, tenter de se disculper de déclarations antérieures malheureuses, et de régler ses comptes avec une longue liste de journalistes et de petits marquis du landernau germanopratin plus ou moins reconnaissables. Il renie ses propos sur l'islam tenus lors d'une discussion avec Michel Onfray, "le problème n'est pas l'islam c'est la délinquance" (14). Il prétend ne croire ni à la matière ni à l'esprit, et surtout pas à la croyance; il ne croit en fait qu'"aux appareils de mesure, aux résultats qui s'affichent sur les cadrans de ces appareils, et aux relations mathématiques" (99), en un mot à l'amour. Houellebecq fait du Houellebecq, il déploie ses marottes sans surprise, et discourt à l'envie sur la religion en Occident et sa disparition qu'il juge inquiétante, s'étonne d'une immigration incontrôlée et suicidaire, et regrette une démographie en chute libre. Son texte écrit dans le plus pur style houellebecquien mêle le trivial le plus cru aux sentiments élevés, dans une prose précise et sensible, sans affect, et souvent très drôle. Cet ouvrage bien mineur aurait pu se terminer ainsi, dans le geignement piteux promis à la civilisation mourante dont il est le héraut. Mais Houellebecq malgré des apparences fragiles est un coriace, il se sait fort, car détenteur d'un pouvoir surnaturel, le privilège de l'écrivain dans un pays qui continue vaille que vaille à les admirer; et selon le mot des infaillibles Gérard Depardieu et Bernard Henry-Lévy, "la littérature gagne toujours à la fin" (102). Nous voilà donc rassurés. [End Page 144] Louis Bousquet The University of Hawaii at Mānoa Copyright © 2024 American Association of Teachers of French
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